Je suis un démon, je suis une âme qui n’était pas digne d’accéder à ce cher paradis … Pourquoi ? Je n’en ai plus aucun souvenir. Les siècles passés à torturer d’autres âmes pour me soulager de ma souffrance éternelle ont effacé le peu de souvenir que j’avais de mon existence humaine.
Après tout est-ce vraiment important ? Humain je devais être un énième cloporte avec une vie fade et sans intérêt, métro boulot dodo ? Cette race ne mérite même pas que l’on s’attarde sur elle.
Peu à peu mon dévouement a fini par payer, mon maître, Lucifer, me remarqua parmi la masse de démons qui désiraient toujours plus de pouvoir et me permit de devenir un démon reconnu.
Dès lors un pacte nous lia à jamais, je le servais sans réserve, j’exauçais tous ses vœux et j’étais en échange reconnu comme Belial, le quasi Bras Droit du prince des enfers …
Le Tartare me respectait, lorsque je m’approchais les démons s’inclinaient, laissant quelques secondes de répit aux âmes se faisant torturer continuellement.
La nuit éternelle, le feu, la lave, les enfers ne sont pas un endroit hospitalier pour tous, si je devais passer l’éternité ici autant devenir quelqu’un d’important, d’influent ! J’ai résisté longtemps à la torture, j’ai du « compartimenter » mon esprit pour ne pas céder à la douleur, à cette voix qui jamais ne me lâchait. Elle me disait de m’abandonner à cet état, de laisser mon âme en pâture à l’extrême violence des enfers.
Conneries.
Dès que l’occasion se présenta je pus me libérer de mes chaînes, j’infligeais aux autres âmes ce que j’avais pu endurer, reniant les dernières parts d’humanité qui avaient survécues en moi jusque-là.
Je n’ai aucune idée de mon temps passé dans le Tartare, mais lorsque l’on vint me chercher, que l’on vint chercher Belial pour une audience privée avec le maître quelque chose semblait avoir changé.
Ainsi donc, Lucifer, prince des enfers, ange déchu, sujet de tous les fantasmes, se tenait devant moi … IL m’avait choisi, choisi pour retourner sur Terre. Belaam, l’un de nos frères allait bientôt nous permettre de nous échapper. Quelques démons pour commencer, nous serions les éclaireurs, les premiers représentants de notre race, les premiers colonisateurs de cette Terre qui aurait toujours dû nous appartenir.
Lorsque le moment fut venu nous étions prêts, nous étions un peu plus de dix, le maître nous regardait, il regardait ses fils, plein d’espoir, nous n’avions pas le droit à l’erreur, nous étions les ambassadeurs des démons sur la Terre.
Un portail, il était là, instable et pourtant hypnotisant, je me tournais vers Amon, il avait été choisi lui aussi. Bientôt je m’avançais, vers cette lumière qui nous aveuglait tous, Belaam, tes frères te rejoignent.
Le changement de monde fut brutal, nous n’étions plus à présent que fumée noire et épaisse, je sortais premier du portail en piteux état, ma silhouette ne parvint qu’à ramper, dessinée à la va vite par ces sombres volutes.
Belaam est là, je le voyais nous fixer, son rituel a réussi, il n’y avait pas de temps à perdre. Je me relevais, sentant mes frères sortir uns à uns de cette liaison entre nos deux mondes, Belaam avait déjà préparé nos futurs corps. Je choisissais celui d’une jeune femme qui semblait terrifiée, pour cause …
Ses hurlements furent étouffés par la fumée qui me composait s’insinuant par sa bouche et ses narines, elle fut bientôt prise de convulsions avant de tomber par terre. Aucune résistance, les humains sont faibles … Je m’immisçais dans son corps tel un cancer foudroyant et lorsque ses yeux se rouvrirent ils étaient noirs ….
Qu’importe qui cette jeune femme était auparavant, je l’avais choisi pour sa beauté, regardant mes mains je souriais, dévoilant une dentition resplendissante.
Ce jour je décidais de ne pas endommager ce corps, quitte à restreindre l’utilisation de mes pouvoirs je voulais garder cette perle rare aussi longtemps que possible, et c’est en replaçant ma longue chevelure que je vins à rejoindre Belaam pour aider mes frères à posséder chacun le corps qui leur était dû.
Notre groupe s’était rapidement divisé, une partie était restée avec Belaam, l’autre avec Amon et moi. Un nouveau monde s’imposait à nous, notre groupe était impatient, je le voyais, je recadrais directement les choses, il était hors de question de succomber aux sirènes de la précipitation, je voulais déjà m’implanter dans cette ville avant de faire quoi que ce soit d’autre.
Notre désir de pouvoir et de luxure était tout de même prononcé, nous avions passé notre « seconde vie » à torturer de pauvres âmes si bien que cette décadence commençait à nous manquer.
La solution ? Un cabaret ! Nous faisant passer pour un couple d’investisseur Amon et moi nous avions acheté un établissement à l’abandon, un ancien cabaret qui avait fait faillite. Cabaret que nous avions fait renommer « Le Jardin d’Eden » non sans humour …
Nous recrutions divers danseurs, acteurs, serveurs, de quoi mettre sur pied un établissement renommé et le succès fut au rendez-vous.
Nos représentations furent bientôt complètes tous les soirs. Dans l’ombre je demeurais, Amon était devenu mon bras droit, nous avions même appris à nous connaître et à nous fréquenter plus … régulièrement …
Ce démon aimait s’adonner à des expériences sur des humains, nous le surnommions « le docteur », je lui fournissais donc de quoi mener à bien ses expériences.
Comment ? Le sous-sol du cabaret avait été aménagé en nombreuses chambres à thèmes dans lesquelles certains de nos clients pouvaient s’adonner au plaisir charnel avec les danseurs et danseuses qu’ils avaient pu voir sur scène. Mon bâtiment ne s’en portait que mieux, tout le monde gardait le secret, il faut dire que lorsque nos clients étaient un peu trop bavards nous trouvions des … moyens de pression.
De mon côté je n’oubliais pas le but premier de ma venue ici, un niveau inférieur avait été construit, le plus important d’entre tous ! Nous entreposions ça et là les humains que j’estimais dignes de devenir les futurs corps de mes frères encore dans les enfers. J’avais également indiqué aux autres démons présents dans le cabaret mais aussi à Amon qu’il était de notre devoir de trouver pour chacun son enveloppe parfaite, la clé de la suprématie des démons sur cette Terre.
Avec les semaines mon business ne pouvait pas se porter mieux, nos spectacles s’amélioraient et mon élevage d’humain commençait à prendre des proportions intéressantes … Les rares clients qui montaient dans ma chambre pour me rencontrer et passer une nuit avec moi étaient emprisonnés à l’aube, les voir enchaînés nourrissait ce désir pervers de voir quelqu’un souffrir qui me tordait les entrailles …
J’avais pris pour habitudes d’assister aux expériences d’Amon, j’aimais le voir travailler, voir comme il pouvait torturer les humains, ou d’autres créatures, avec des outils tous plus variés les uns que les autres …
Tout allait pour le mieux jusqu’au jour où je pu rencontrer celui qui allait tout chambouler … Isaak, c’était comme cela qu’il s’appelait, Isaak Sakharov … Un riche homme d’affaires russe qui était venu se perdre dans mon cabaret au cours de l’une de ses nuits d’insomnie.
Il était venu me voir MOI, l’un de ses employés lui avait parlé de mes spectacles mais également de mes charmes que j’aimais mettre à la disposition de mâles qui en valaient la peine … Cet Isaak déambulait dans la salle de spectacle alors que je m’avançais vers lui, vêtu de l’unes des somptueuses robes de soirée dont j’avais maintenant le secret.
Sans dire un mot il me reconnut, la description de son employé avait dû être plutôt proche de la réalité … Nous avions passé la soirée ensemble, il m’avait même emmené chez lui pour me gratifier d’une nuit de sexe intense et bestial. Aucun humain n’avait eu un comportement aussi proche d’un démon que lui, son désir de soumission de ma part était sans limites et je me promettais de le revoir dans un futur proche …
Je pus le côtoyer pendant un certain temps, lui ne se lassait pas de mes surprises, moi de ses cadeaux et de son membre viril …
La luxure … Il parvenait à me contenter … La perle rare ? Pour sûr.
Après l’une de nos parties de jambes en l’air au cabaret, dans ma chambre, j’appelais mes frères pour l’emprisonner au sous-sol, dans une cellule à part, je le voulais enchaîné sans qu’il ne puisse bouger. Il ne fallait surtout pas qu’il abime son magnifique corps, je le voulais intact quand celui que j’occupais depuis longtemps commencerait à devenir invivable.
Pour cause Amon multipliait ses soins sur la jeune femme que j’occupais. J’avais beau ne jamais utiliser mes pouvoirs cette enveloppe se consumait de l’intérieur, je le voyais, des rides, mes cheveux qui tombaient, des infections à répétition … Il était bientôt temps de changer …
Durant l’une de mes nuits je vins à descendre à l’étage des cages d’humains. Je les entendais m’insulter de tous les noms, vouloir ma mort ou tout simplement hurler des « A l’aide » brisés par les semaines de détention … Qu’importe, c’était la cellule du bout du couloir que je venais visiter … Mon Isaak …
En ouvrant la porte il leva péniblement la tête, il était offert, ses bras et ses jambes écartés pour ne pas qu’il puisse se mutiler …
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« Isaak je … » articulais-je
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« Espèce de salope, tu ne sais pas ce que tu as fait, mes hommes vont venir te faire sauter ta petite tête de suceuse …. »Arquant un sourcil je levais la main pour le faire taire, lui fermant la mâchoire par télékinésie,
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« Espèce d’ingrat, je te donne l’occasion de servir une cause qui te dépasse, tu seras mon hôte, l’hôte de Belial, l’ambassadeur de Lucifer sur cette planète, de tes yeux tu verras la chute de ta sous-race, de tes yeux tu le verras de nouveau fouler cette Terre qui lui appartient, de tes mains tu purifieras ces villes, ces contrées de ces cloportes humains qui se revendiquent fils de Dieu, tu … »Isaak venait de me cracher au visage alors que j’avais relâché mon étreinte et c’est d’un geste dangereusement calme que j’essuyais sa salive sur ma peau claire.
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« Je ne te demande pas ton autorisation, mon cher Isaak, c’est toi qui est venu à moi, et même si tu m’as baisé plusieurs fois comme un véritable mâle je n’ai pas d’approbation à avoir de ta part, c’est ton destin, que tu le veuilles … Ou non. »Je tournais les talons sans faire attention à cet homme qui se débattait maintenant comme un lion, hurlant mon nom, mais je n’y faisais bientôt plus attention, voyant Amon courir vers moi, apparemment blessé …
Amon me pris par le bras pour me faire sortir du sous-sol, il était paniqué, des chasseurs de démons avaient défoncé la porte du cabaret et demandaient ma tête sans quoi ils tueraient nos frères uns à uns. Ils avaient profité de la nuit pour entrer sans se faire repérer et possédaient de quoi nous renvoyer en enfer, il ne s’agissait visiblement pas de débutants …
Je le voyais, mon frère était paniqué, il voulait fuir, je prenais sa tête entre mes mains, dévoilant mes yeux de démons face à lui, lui intimant qu’il ne fallait pas fuir, que j’allais les protéger de ces misérables insectes qui se mettaient en travers de notre chemin. Amon replaça l’une des mèches de mes cheveux avant de serrer la mâchoire, nous allions combattre cette nuit, et le combat allait être sanglant.
J’arrivais bientôt dans la pièce de spectacle, ils devaient bien être une dizaine, armés jusqu’aux dents, tenant mes frères en me regardant.
L’un d’eux s’avança vers moi,
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« Quel honneur de te rencontrer … Belial c’est ça ? On m’a dit que tu tenais un bel établissement et je dois avouer que c’est le cas … Je ne savais pas que les démons étaient des personnes de goûts, si tant est que je puisse te désigner comme une personne … »-
« Lâche-les » murmurais-je en soupirant.
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« Vois-tu, ce n’est pas si simple, tu enlèves des humains pour en faire je ne sais quoi et tu commences à beaucoup trop te faire remarquer en ville alors non, je ne vais pas les lâcher, je vais te tuer et tout redeviendra comme avant, comme si tu n’avais jamais existé ma belle … Je sais que ce n’est pas très gentleman mais je pense que je n’ai pas de considération à avoir pour quelqu’un de ton espèce, démon. »-
« Ce n’étais pas une invitation, misérable humain, c’était un ordre. »L’humain qui parlait depuis le début ricana.
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« Tout le monde le sait que tu n’as plus aucun pouvoir depuis ta venue sur Terre, tu es faible, sans défense, tu joues un rôle, tu mens, mais ça ne marche pas avec moi, je le sens, tu ne peux rien faire contre nous, nous serons toujours là pour te pourchasser, espèce de sale pu…. »L’humain n’eut pas le temps de finir sa phrase qu’il éclata purement et simplement, laissant au passage de vivaces traces de sang sur mes frères, ses sbires et la décoration dans la salle de spectacle.
Un déluge d’insultes fut proférer contre moi et je me pris plusieurs rafales de balles. Je ricanais alors que ma splendide robe ne ressemblait plus qu’à des lambeaux, c’est à cet instant que je sentis une vive douleur au niveau de mon estomac.
Tombant à genoux je regardais la blessure, l'une de leurs putains de balles contenaient du sel, j’hurlais, me débattant contre cette douleur abominable qui altérait mes sens, mon cri n’avait plus rien d’humain.
Le visage baissé je me relevais en levant le bras devant moi, tous les hommes se firent soulever de terre.
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« Je voulais préserver cette jolie jeune femme, mais il semblerait qu’il faille accélérer le processus, n’est-ce pas ?! »Sans mot je lacérais leurs corps de coups invisibles, l’air était maintenant rouge sang, les chasseurs criaient, se débattaient en vain. Mon corps vieillissait à vue d’œil, mes cheveux devenaient blancs, je me creusais, ma peau commençait à pourrir, je me consumais.
Une fois le spectacle macabre de ces lacérations multiples terminé je tombais à terre, je n’étais plus qu’un semi cadavre, incapable de bouger, la respiration sifflante. Les derniers morceaux de ma robe devenus trop grands pour moi jonchaient le sol et ce fut Amon qui me réceptionna pour courir une nouvelle fois vers le sous-sol, vers ma fontaine de jouvence, vers Isaak.
Isaak fut terrifié en me voyant arriver, il faut dire que je ressemblais plus à un zombie qu’à la femme qu’il avait connu. Amon me déposa délicatement face à lui et c’est dans un dernier effort que j’ouvris la bouche.
La fumée noire, ma seconde forme pris de nouveau le dessus, je flottais dans la pièce avant de me jeter sur Isaak, je m’en allais posséder un nouveau corps.
Pourtant tout fut plus compliqué, Isaak ne se laissait pas faire et je dus batailler, pourtant déjà épuisé, pour prendre cette enveloppe que j’estimais mienne.
Au terme de longues minutes j’ouvrais les yeux, ma vision était floue, je voyais Amon retirer mes chaînes, j’étais désormais Isaak Belial Sakharov, en témoignait le cadavre en décomposition au sol non loin.
Nu, je parcourais le sous-sol, Amon me soutenait, il m’amena jusqu’à ma chambre où il sortit de l’armoire un costume que j’avais mis de côté pour le grand jour avant de me faire couler un bain, ordonnant à mes frères de nettoyer le rez-de-chaussée.
Un sourire au visage je mets à la poubelle tout mon nécessaire de maquillage et mon dressing, Amon est dans l’encadrement de la porte, j’ai l’air plus vieux que lui maintenant, chose qui m’amuse.
La visite surprise des chasseurs est loin derrière nous maintenant, et les affaires ont repris comme si de rien n’était …
Remettant mon nœud papillon en place je sors de ma chambre et déposant un baiser sur l’une de ses joues, mon ami, mon frère, je te dois la vie.
Je passe mon manteau avant de sortir du cabaret, partant marcher dans le parc de Mystic Falls, un cigare à la main, l’air pensif.
Ma haine pour l’espèce humaine est aujourd’hui d’autant plus prononcée, je chasse les chasseurs, le corps robuste d’Isaak me permet plus de largesses, et je peux plus user de mes pouvoirs sans pour autant devoir payer le prix fort. Je servirais mon maître, peu importe le prix et je trouverais les enveloppes parfaites de mes frères afin de reprendre notre dû, la Terre.