La cuisine est faiblement éclairée par une lumière grésillante. Il fait nuit, et le Manoir est silencieux pour une fois, ce qui est plutôt rare, il faut l’avouer. D’habitude, la cuisine par exemple est toujours animée de la sonnerie du micro-onde, de l’eau qui boue, du bruit frénétique d’un couteau qui découpe de la viande avec énergie. C’est ça de vivre en colocation avec de si nombreux loups. Certains peuvent penser qu’il est éprouvant de partager sa maison avec tant d’individus, mais ce n’est pas le cas du grand brun. Il aime la vie qui se répand dans la maison, comme une chaleur humaine indescriptible qui étend son manteau autour de son cœur. Logan peut reconnaître chaque loups les yeux fermés. Il reconnait les éclats de rire, l’odeur, et l’aura de chacun. Depuis que la meute est devenue sa petite famille à lui, il n’apprécie que plus cette façon de vivre. Ça conforte son loup intérieur, ça comble l’homme en général.

Mais la nuit, et surtout en ce moment, les membres de la meute se reposent, certains enfouis dans les draps des autres. Il n’est pas rare que les lits soient partagés, encore une habitude lupine. Logan aimerait beaucoup revenir dans son lit et se caler sous les couettes pour une bonne nuit de sommeil, mais son inconscient ne semble pas prêt à le laisser prendre du repos. Depuis qu’il est chef de meute, il n’arrive plus à dormir correctement. Les cauchemars reviennent, cauchemars qui l’avaient pourtant quitté depuis quelques années maintenant. Des souvenirs de ses victimes, de ses meurtres lorsqu’il ne se contrôlait pas. Même si cette période est révolue, le poids de la meute pèse sur ses épaules et réveille ses plus anciennes peurs.

Quoi qu’il en soit, Logan est donc descendu dans la cuisine à peine éclairée. Il saisit en silence une tranche de jambon stockée dans le frigidaire. Il la glisse dans un bout de baguette. A la réflexion, l’Alpha en saisit une deuxième qu’il glisse également dans le pain et rajoute un peu de moutarde. Le mouvement soudain d'un oiseau qui fuit à tire d'ailes de son perchoir attire son attention à l’extérieur. Aussitôt, Logan se concentre et peut entendre le crissement des petites pierres du chemin qui mène vers le manoir.

Son flair ne l’a jamais trahi : ce n’est ni un loup-garou, ni un vampire - dont la subtile odeur de mort est reconnaissable entre toute. Quoi que ce soit, s’il continue sur ce chemin, il s’approchera bien trop près du Manoir. Logan repose son sandwich et saisit un couteau de cuisine aiguisé. Il fait quelques pas vers l’entrée, respirant toujours pour tenter de trouver une quelconque odeur qui pourrait ressembler de près ou de loin à un chasseur. Logan se retourne soudainement et empoigne un petit sac de sel qu’il glisse dans sa poche. Et s’il s’agissait de l’agresseur de Kate…

Logan sort du manoir, la mâchoire contractée et s’avance, seulement vêtu d’un jean qu’il a enfilé à l’arrache en sortant du lit. Se laissant guider par la faible lumière de la lune, il marche pieds nus sur le sentier sans avoir la moindre intention de se faire discret.

- Qui est là ? Finit-il par demander d’une voix forte, cherchant des yeux l’importun. Vous êtes sur une propriété privée, faites demi-tour, maintenant. Dit-il fermement de cette autorité qui commence à être naturelle chez lui, surement à cause de son statut.

Tel un spectre je me faufile entre les arbres composant la forêt de Mystic Falls. Le soleil est maintenant loin à l’horizon, achevant d’éclairer la ville de son halo orangé. Emmitouflé dans un long manteau en forme de cape j’espère couvrir mon odeur le plus longtemps possible. Pourquoi ? Je m’apprête à rejoindre un repère de loups garous, réputés pour leur odorat extrêmement développé. J’espère ici rencontrer un loup plutôt respecté parmi ses pairs, j’ai une proposition à leur faire.

Mes recherches m’ont en effet amené vers des impasses, quand bien même mes espions m’entretiennent d’informations sur les créatures fantastiques parcourant Mystic Falls je m’aperçois que certaines de leurs caractéristiques me manquent encore, en particulier pour ces zombies suceurs de sang. Mon idée serait donc de faire une sorte de pacte avec l’une des meutes aux alentours, je leur accorderais une parfaite protection en échange d’informations utiles vis-à-vis des vampires.

Mes récentes erreurs et le fait d’avoir sous-estimé les chasseurs m’ont rendu beaucoup plus méfiant, et si ce pacte parvient à se mettre en place et à se maintenir je ne me gênerais pas pour en tirer le maximum d’informations, qu’elles concernent les vampires mais également les loups garous, à moi maintenant d’œuvrer pour piocher çà et là ce qui me conviendra, sans me faire démasquer prématurément.

Mes pas se font léger, presque inaudibles tandis que je parcours la forêt à une vitesse affolante, la nuit est tombée maintenant et une pluie diluvienne ponctuée par de fortes bourrasques viennent retarder ma marche vers ce fameux manoir où semble vivre une meute appelée Magina. Le problème est que je ne connais ni le nom ni le visage de l’alpha de la meute, mon espion étant resté très évasif à ce sujet, il semble qu’il ne soit lui non plus pas parvenu à déterminer l’identité du meneur de la meute, qu’importe, je m’en chargerai moi-même …

Mon visage recouvert également par une capuche dissimulant mes traits je ne tarde pas à rejoindre l’orée de la forêt bordant le manoir. Un coup d’œil m’informe que la meute semble se reposer, il faut dire que j’ai choisi mon heure afin de m’infiltrer sans trop me faire remarquer. Je rebats une nouvelle fois mon manteau afin d’éviter de mouiller le costume hors de prix que je porte avant de commencer à marcher d’un pas léger sur le chemin de pierre menant à l’entrée du manoir.

Les sens en alerte je tente de faire abstraction du vent qui me bouscule sans relâche, sans en être sûr je pense avoir détecté du mouvement à l’intérieur de l’édifice, commençant à prendre en main ma canne dissimulant une lame parfaitement aiguisée je me demande si cette opération infiltration était une bonne idée … Malgré qu’il soit trop tard pour faire marche arrière.

Pestant en silence contre ce vent qui ne cessait de me tourmenter je vis soudain la porte d’entrée du manoir s’ouvrir et un homme se diriger vers moi, m’ordonnant de faire demi-tour sur un ton menaçant à peine dissimulé. Vêtu d’un seul jean il m’offrait ici un spectacle des plus appréciable, pour sûr il s’agissait d’un loup haut « gradé » en prouvait sa musculature développée et son aura charismatique qui persistait malgré le temps exécrable de cette nuit.
Levant la tête pour mieux le détailler je laissais le bas de mon visage se révéler sous la lumière de la lune, montrant mon bouc et ma moustache maintenant mouillés par la pluie battante. Un sourire vint à fendre mon visage alors que je ne cessais de gratifier ce bel apollon d’œillades qu’il ne pouvait pas discerner parmi les ombres sous ma capuche.

-« Bonjour … Ou plutôt bonsoir, je comprends votre étonnement, je sais par ailleurs que cette propriété est privée, mais c’est bien pour cela que je viens me présenter à vous, j’aimerais prendre contact avec l’un des propriétaires de ce manoir. Je dois dire que je m’estime chanceux, votre motivation à défendre vos … frères … à cette heure et votre impressionnante … stature (mon visage se fendit à nouveau d’un sourire carnassier) me poussent à croire que vous êtes plutôt haut placé ici, je me trompe ? ».

Faisant quelque pas de côté j’essayais de déterminer si mon vis-à-vis possédait ou pas une arme, même si vu sa condition physique remarquable semblait pouvoir lui permettre de se servir de son propre corps comme d’une arme impitoyable … Essayant de garder une mine détendue j’haussais à nouveau la voix pour qu’elle ne soit pas éclipsée par les bourrasques qui nous secouait tous deux depuis quelques minutes déjà.

-« Je m’appelle Isaak Sakharov et je suis venu ici pour vous proposer de passer un contrat avec vous et vos congénères … Pas la peine de faire l’ignorant, je sais que vous disposez ici de dons … particuliers … ».

Sortant ma canne de sous mon manteau je me mis à la positionner devant moi. Mains jointes sur la poignée de cette dernière je relevais la tête pour dévoiler mon visage quasi complet (conservant toujours des traits parfaitement humains) face à ce lycan dans la force de l’âge.

-« Je vous propose d’obtenir ma protection pour vous et votre … meute … en échange de quelques informations, ainsi vos petites excursions nocturnes n’auront plus lieu d’être et vous pourrez dormir sur vos deux oreilles, qu’en pensez-vous ? ».

Logan secoue sa tête alors que sa tignasse se plaque contre son visage, aplatie par les bourrasques de pluie et de vent. L'air est froid et la pluie est dure, mais ça ne fait pas frissonner le grand loup. Il dégage tellement de chaleur qu'on pourrait presque voir de la vapeur qui s'échappe de sa peau comme pour souligner le contraste des températures. Pour qu'un loup commence à avoir froid, il faut vraiment y aller. C'est encore une spécificité de l'espèce que Logan trouve plutôt utile pendant l'hiver et détestable pendant l'été.

Il plisse ses yeux sombres en observant l'homme devant lui. Celui-ci n'a rien d'engageant. Enroulé dans son long manteau, il ne montre que le bas de sa mâchoire ornée d'un bouc et d'une moustache travaillée. Logan aurait préféré que l'homme inquiétant s'en aille sous sa menace sans perdre de temps, mais il semble en avoir décidé autrement.

Logan garde une certaine distance de sécurité avec lui, et serre d'autant plus le couteau de cuisine dans sa main. S'il l'attaque, ce serait suffisant pour lui couper quelque chose mais tout dépend de la nature de cet inconnu. Logan n'a jamais combattu de sorciers et pour l'instant c'est la conclusion qu'il a tiré quant à la nature de l'homme encapuchonné.

L'alpha le laisse parler sans répondre à ses questions. Il le dévisage en plissant les yeux alors que ce dénommé Isaak s'appuie sur une canne luxueuse. Il ne l'a jamais vu. Même si Mystic Falls est une grande ville, Logan arrive à distinguer désormais les nouveaux visages des anciens. Le fait qu'il sache pour ses dons particulièrs, autrement dit la lycanthropie est un autre problème néanmoins. Encore quelqu'un dont il faut se méfier. Il faudra le rajouter à sa liste d'hybrides, de vampires et de sorciers violents qui peuvent poser problème.

Finalement le loup sourit également mais d'un petit sourire au coin de ses lèvres, moqueur et dubitatif face au compromis auquel ce cher Isaak veut arriver.

- Une protection… Une protection contre qui, monsieur Sakharov ? Et vous pensez être capable de placer une meute entière de loup-garou sous votre protection. C'est plutôt prétentieux de votre part.

Il s'approche de quelques pas, mais pas assez pour se placer à sa portée. Il passe sa main libre dans sa tignasse trempée désormais, qu'il plaque en arrière contre son crâne. Logan, tel un animal, se penche légèrement pour tenter de saisir une quelconque odeur. Rien. Rien qu'il ne puisse identifier clairement. C'est le problème avec les sorciers. La magie n'a pas d'odeur.

- Je m'appelle Logan. Dit-il sans donner plus d'informations. Il plisse les yeux et le dévisage. J'ai quelques questions, moi aussi. Alors, qu'est-ce que tu es, superman ? Un sorcier ? Tu veux nous protéger de ta magie ? Je pensais que les loups et les sorciers ne faisaient pas bon ménage pourtant… Et tu veux des informations à quel sujet ? Klaus, j'imagine?

Klaus est un sujet récurrent de discussion. Des dizaines voire des centaines de personnes aimeraient apprendre ses points faibles. Si les gens savaient que Logan avait passé du temps à séduire sa sœur et donc à cohabiter plus ou moins avec ce monstre, beaucoup iraient se ruer sur lui pour lui tirer les vers du nez. La vérité est affligeante pourtant : Logan serait bien le premier à lui chercher une faiblesse, mais il ne connaît pas grand-chose en réalité, et rien dont il peut se procurer. Comme s'il était condamné à subir le règne de Klaus l'hybride fou et ses nombreuses tueries.

Et pourquoi Logan a-t-il cette curieuse impression que l'inconnu lui cache des choses… C'est une bien étrange soirée qui s'annonce de nouveau.

- Et d’abord… Comment nous as-tu trouvé ?