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J'étais assis sur les marches d'escaliers de la véranda, derrière la maison. Je fixais ma cour arrière où les fleurs commençaient déjà à faner. L'été avait passé si rapidement... Les arbres de la forêt qui ornaient la fin de ma cour avaient pris des teintes allant du jaune au rouge et remplaçaient les couleurs vivantes des fleurs. Non, je n'avais jamais eu le pouce vert. C'est pour cette raison que j'avais engagé une compagnie d'aménagement paysager afin d'entretenir mon terrain. Un mouvement attira mon attention et mon regard se fixa sur deux petites ailes qui voletaient doucement près de moi. Je regardais le monarque se rapprocher de moi alors qu'un sentiment étrange se formait dans ma cage thoracique. Cette petite bête faisait ressortir en moi des émotions évanouies depuis fort longtemps. Le papillon était pour moi signe de liberté. Il ne faisait ce que bon lui semblait sans avoir de compte à rendre à personne. Saviez-vous que pour les Amérindiens le papillon est le symbole de la métamorphose, du changement. Il nous enseigne qu'il faut laisser nos désirs se réaliser, de changer nos vies, de créer de nouvelles situations pour améliorer notre quotidien. Je ne l'ai su que beaucoup plus tard après les évènements, mais je trouve tout de même la métaphore très... symbolique. Ma vision se brouilla alors que je regardais le paysage sans voir et que mes pensées sombres refaisaient surface...

«Malgré qu’elle ait de la difficulté à bien faire son travail de mère, elle m’a tout de même appris certaines choses. On le faisait en cachette, quand mon père travaillait ou qu’il était parti dans une de ses conventions. Ma mère me montra à plusieurs reprises comment elle se transformait. Elle m’expliqua le processus, ce à quoi je devais me concentrer pour y parvenir adéquatement. Toutes ses révélations auraient bien suffi à mon père pour nous tuer tous les deux. Il avait tellement espéré que je ne sois pas aussi monstrueux qu’elle…

Assis dans un coin de ma chambre les yeux fermés, je me bouchais les oreilles de toutes mes forces. J'avais extrêmement mal aux tympans, malgré tout cela ne suffisait pas à couvrir les bruits de coups de ceinture de mon père et les hurlements de douleur de ma mère. Mon père était rentré plus tôt du travail et nous avait surpris dans le salon, ma mère transformer en chat. Cela déclencha l’apocalypse! Pourquoi on ne quittait pas ses lieux de torture? Pourquoi est-ce que ma mère ne m'emportait pas loin de la violence possessive de mon père? Parce qu'elle l'aimait! Je ne comprenais pas comment elle pouvait aimer un homme qui nous voulait que du mal. Il était méchant et je le détestais. Pas un seul jour ne passait sans que ma mère ou moi passions sous ses coups. Des ecchymoses ornaient encore mon visage boursoufflé. Mais rien ne valait les plaies ouvertes qui couvraient mon corps sous mes vêtements. Nous n'avions pas de pansements, ou plutôt nous en avions plus, et la sensation du tissu sur mes blessures me faisait souffrir à un point tel que j'avais de la difficulté à rester éveillé. Aucun enfant ne méritait de subir de telles souffrances! Un hurlement de ma mère me fit frissonner jusqu'à la moelle épinière! Je commençais alors à prier. Nous n'étions pas très croyants, mais en ce moment même je ne souhaitais qu'une seule chose : partir. Je souhaitais de tout mon être de m'enfuir, de m'envoler vers un Nouveau Monde, être libre! C'est alors qu'une douleur fulgurante fusa dans tout mon être. Je sentis ma peau vibrée, mes muscles se modifier dans mon corps. Je n'arrivais pas à décrire ce que je ressentais. Peut-être étais-je en train de faire une crise de panique? Cela ne serait pas vraiment étonnant vu ce que j'étais en train de vivre. Je me retenais de toutes mes forces pour ne pas me mettre à crier. Je ne devais pas attirer l'attention de mon père... Puis soudain je me transformais en papillon. Ma vue sur le monde changea. Étrangement, je n'avais pas peur pour une fois. Peut-être parce que j'avais déjà vu ma mère faire? La sensation de voler me faisait un bien indescriptible. Je battis des ailes et m'envolais un peu plus haut. Je croyais tout à coup vivre dans un rêve! Puis, mon regard sur la fenêtre de ma chambre qui était ouverte. Sans réfléchir, je volais jusqu'à elle et m'enfuyais par l'ouverture. L'air frais sur mes ailes me fit espérer un avenir meilleur.

Je ne me doutais pas que de vivre libre serait si difficile. Seul et sans un sou, je me servais de mon pouvoir de transformation pour entrer dans les maisons et voler de la nourriture. Et parfois même des vêtements. Je me cachais tant bien que mal afin de me préserver des intempéries. Même si cette vie était difficile, en aucun cas je ne regrettais d'avoir quitté la maison familiale. Les bleus avaient enfin disparu et les plaies s'étaient refermées. Même si elles me laissaient probablement quelques cicatrices, le principal était qu'elles ne s'étaient pas infectées. Un jour alors que je me retrouvais dans un endroit sordide, je vis plusieurs hommes entrer en clamant et s'exclamant. Dans ma cachette personne ne pouvait me voir et j'en étais bien heureux. Une ambiance d'excitation régnait dans la place et je me demandais bien pourquoi jusqu'à tant que je voie deux gros molosses entrer dans une arène accompagnée par leur propriétaire. L'un était de couleur noire et feu. Il était le plus gros des deux. Il montrait les crocs en grognant d'un air menaçant. De la bave coulait sur son menton pour tomber par terre. Il avait l'air complètement dément et dangereux. De l'autre côté, le chien était beige et semblait tout aussi dangereux. Les deux chiens se dévisageaient et ne désiraient qu'une chose : s'entretuer. À l'annonce d'un homme au microphone, les hommes lâchèrent les chiens et allèrent se mettre à l'abri. Dès qu'ils furent libres, les deux bêtes sautèrent l'un sur l'autre sous les exclamations réjouies des partisans. Je vis le sang couler au sol et se mélanger au sol poussiéreux. Le noir sauta sur l'autre chien et enfonça ses crocs dans sa nuque et referma la mâchoire. Son adversaire tomba par terre inerte, le cou rompu. Je fus impressionné par la force du rottweiler. Dans mon esprit ce chien devient signe de force suprême et de pouvoir. Si je voulais survivre, je devais lui ressembler.

Lorsque j'entrais dans l'adolescence, j'entrais également dans un monde plus sordide. Je fréquentais régulièrement les bars de danseuses où je vendais de la drogue pour les propriétaires. Cela me rapportait un assez bon montant d'argent pour pouvoir commencer à vivre. Je m'achetais du linge qui avait un peu plus de classe, ce qui me permit d'approcher des clients un peu plus riches. Ah les bars de danseuses... c'est d'ailleurs à cet endroit que je perdis ma virginité. J'avais à peine 16 ans quand mon fantasme m'amena dans une loge privée pour me prendre ce qui me restait de mon enfance. Inutile de dire que ça n'a pas duré très longtemps... Mais ce fut vraiment super! Et je m'en rappellerais toute ma vie. Elle me fit des choses qu'un garçon de 16 ans n'aurait jamais pu rêver de vivre! Enfin bref... c'est dans cette période de ma vie que je rencontrais Hastings. C'était la première fois depuis ma mère que je faisais la connaissance de quelqu'un qui avait les mêmes capacités que moi. Hastings était un mafieux métamorphe et il me prit sous son aile. Me traitant comme son propre fils. Ma vie prit du mieux depuis ce moment. Je cessais de vivre dans la rue pour habiter dans un énorme manoir. Il m'apprenait à me battre et à utiliser des armes dont personne n'aurait jamais pu imaginer l'existence. Il devint alors mon père, celui que j'aurais dû avoir dès le départ. Il me permit d'oublier toutes les souffrances que j'avais vécues et de retrouver une vie qui pour moi était normale. Tout naturellement, je pris son nom de famille oubliant celui qui avait été mien à ma naissance.

Edward était plus qu’un père pour moi. Il était mon mentor. Il m’apprit tout ce que je devais savoir sur mon espèce. C’est-à-dire encore plus que tout ce que ma mère avait pu m’apprendre. Mais ce n’est pas ça qui me fit le plus grand choc. Même si je savais que j’étais différent des humains ordinaires, il ne m’était pas venu en tête que d’autres créatures telles que moi pouvaient exister. Il m’apprit l’existence des vampires. Je n’en croyais pas mes oreilles et à vrai dire, je ne le crus pas vraiment. Du moins jusqu’au moment où je rencontrais un de ses clients. Je dus alors me rendre à l’évidence, les vampires étaient réellement de ce monde. Je crains de sortir la nuit pendant plusieurs semaines. D’autant plus lorsque j’appris que mon sang était un délice pour eux. Encore plus que ceux des humains. Mais Edward ne me laissa pas aller très longtemps dans la paranoïa. Il m’apprit comment les vaincre, même si cela était difficile. Et de ne jamais croire qu’il m’était impossible de réussir. Qu’avec la volonté, on peut tout faire.

Rapidement, je devins un expert dans mon domaine. Ma réputation me précédait et très vite j'eus le surnom de Sinistros. Je dois avouer que j'adore ce surnom. Vous saviez que dans la mythologie britannique, le Sinostros est un chien de l'enfer et que sa vue est présagée de mort imminente? Depuis toujours, dans la mythologie européenne, les chiens ont été associés à la mort. Bien des gens sont devenus paranoïaques à l'idée de m'apercevoir sous ma forme animale. Et je m'amuse de cet effet que je produis chez mes victimes. J'aime sentir la peur les envahir en m'apercevant. Leur crainte à un gout délicieux sur ma langue. Un parfum dont seul ce sentiment possède. De savoir que leur vie est entre mes mains et que je tiens ce pouvoir d'un seul mouvement de doigts pour appuyer sur la gâchette... Quoi qu'il en soit, les années sanglantes furent une bénédiction pour moi. Je profitais de la panique générale pour commettre mes forfaits en toute impunité. Cependant, bien vite je me lassais des humains qui étaient beaucoup trop faciles à tuer. Je devenais alors un expert dans l’élimination d’être surnaturel tel que les vampires, les métamorphes et les loups-garous.

Ce n'est que quelques années plus tard que je fis la connaissance de Jonathan Valentyne, l'Ulfric de la meute d'Écosse et d'Angleterre. Ce dernier me paya généreusement pour que j'intègre l’alliance poilue afin d’être ses yeux et ses oreilles. Mais surtout pour que je mette fin aux jours de Mary Wellesley tout en préservant Hayden de tout danger. J'avais pour but de me glisser dans les draps de la jeune louve et de lui trancher la gorge. Mon plan se révéla cependant plus difficile à effectuer que prévu. Jonathan fut démasqué et tué par son propre fils. Néanmoins, j'avais déjà été payé pour cette mission et je n'avais pas vraiment envie de laisser tomber. Ce n'est pas mon genre. Je décidais donc de rester dans la coalition et attendre de voir ce qui allait se passer. Je repoussais l'échéancier de son assassinat en attendant de voir les décisions que cette dernière allait prendre. »

Je secouais vivement la tête. Replonger dans toutes ses pensées me mettait sens dessus dessous. Je n’aimais pas me sentir faible! Je me relevais et entrais à l’intérieur. Il était peut-être seulement 13h de l’après-midi, mais j’étais dû pour une bonne bière froide! Je débouchais ma bouteille de La barbarie – oui, je ne bois que des bières de micro-brasserie que je trouve de meilleure qualité que celles en vente dans tous les dépanneurs du coin – que le téléphone sonna. Je saisis alors le combiné et décrochais.

- Hastings à l’appareil.

- Tu sais qu’il me fait toujours autant plaisir de t’entendre prononcé ce nom comme étant le tien. Même après toutes ses années!

- Edward! Que me vaut le plaisir de cet appel? demandais-je en m’assoyant sur le tabouret devant l’ilot de la cuisine.

- J’ai un nouveau contrat pour toi. Très lucratif je dois t’avouer. Es-tu partant?

- Tu sais bien que je suis toujours prêt à te rendre service. Quand veux-tu que l’on se rencontre pour en parler?

- Ce soir à 21h. Et ne sois pas en retard! C’est important…

Et nous raccrochâmes sans nous dire au revoir, comme nous avions l’habitude de le faire. J’apportais ma bière au sous-sol où j’entrais dans ma pièce secrète. Pièce qui fait pratiquement la moitié du sous-sol, endroit où je garde tous mes joujoux de combats. Je devais me préparer!