Un cri. Un réveil en sursaut. Pourquoi ma mère gueule-t-elle à une heure aussi tardive? Sûrement un de ces mecs qui l’a de nouveau abandonnée. Et la voilà dans une nouvelle crise d’hystérie. Les cheveux en bataille, l’oreiller encore imprimé sur le visage, je me lève péniblement de mon lit pour aller constater l’ampleur des dégâts. Et j’étais préparée à tout, sauf à ça : y’a un mec assez costaud dans la chambre de ma mère. Si j’ai du mal à comprendre ce qu’il dit au début, je devine à l’expression de ma mère qu’elle ne consent pas au traitement qu’il lui fait subir. J’aurais bien envie de l’abandonner à son triste sort et de quitter sur la pointe des pieds cette scène qui ne me concerne guère, mais il semblerait que ma junkie de mère en ait décidé autrement.

« Noah! Aide-moi! S’il-te-plaît! »

Sa voix déraille, elle sanglote, elle est terrifiée et je vois bien que même si elle mérite ce qui lui arrive… Non, personne ne mérite de se faire cogner ainsi. L’homme se retourne et me voit. Quelle chance ai-je contre ce type? Aucune. Et je le sais très bien. J’écarquille les yeux et tente de me sauver. Je parviens jusqu’à ma chambre. Mais lorsque je tente de la fermer derrière moi, pas besoin de dire que le gros costaud parvient facilement à me propulser jusqu’au pied de mon lit. Je me relève rapidement préférant lui faire face plutôt que d’être au sol : au moins, j’peux essayer de le cogner avec mes jambes. Je le frappe à coups de poing et de pied, inutile.

« Hey, la gamine! Si tu te calmes, j’te promets que tu souffriras pas trop! »

Elle est où ma mère si courageuse lorsque j’ai besoin d’elle? Je l’entends gémir au loin. Elle doit avoir du mal à bouger avec tout ce qu’elle a encaissé. J’entends le mot fille… Elle doit sûrement parler de moi, mais je n’arrive pas à comprendre le reste puisque le ricanement mauvais de l’homme m’empêche de saisir le reste de ses paroles. Et ensuite… Le trou noir.

Lorsque j’ouvre les yeux de nouveau, je ne suis plus dans ma chambre. Je suis allongée sur le sol d’une pièce, mais je n’arrive pas à savoir laquelle. J’ai mal partout… Est-ce que j’ai déboulé les escaliers? Je n’arrive plus à m’en souvenir. J’ai mal du côté gauche de mon corps, pas très loin de ma clavicule… On dirait qu’il y a un truc de planter à cet endroit. Je tourne légèrement la tête pour voir de quoi il s’agit : je crois que c’est le manche d’un couteau, mais je n’en suis pas sûre. À demi-vêtue, j’essaie de rassembler les pièces du casse-tête. Que s’est-il passé ensuite? Une quinte de toux me fait cracher un peu de sang. J’suis vraiment mal en point. Je sais que si je parviens à allonger suffisamment mon bras… faut que j’me tire d’ici et vite. Je me relève, même si j’ai vraiment mal partout. Fuck! J’attrape ma veste dans l’entrée même si ma démarche est mal assurée. Faut que je foute le camp d’ici, j’l’entends, l’autre mec, qui revient… Partir très loin… J’ouvre la porte et descends les escaliers aussi rapidement que je le peux. J’suis dans la rue et j’essaie de marcher rapidement en essayant d’éviter au maximum les passants. Mon corps bute contre le corps d’un autre. Je murmure rapidement un désolé avant de tourner dans une ruelle plus sombre. Je marche jusqu’au fond et je me laisse glisser sur le sol. Que s’est-il passé? Je n’en ai pas la moindre idée. Aller à l’hôpital? Au poste de police? Non. Il ne ferait que me ramener chez ma mère… et j’veux plus y retourner. Je retire ma veste pour constater que le couteau est bel et bien planté dans mon épaule. J’sais pas c’que j’dois faire… Mais j’sais que j’dois faire n’importe quoi… sinon, j’vais crever ici… parce que je pisse le sang… J’me sens de moins en moins bien… la tête me tourne de nouveau…